Bilan et chiffres de la Paris Games Week 2015
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- Le 10/11/2015
- Dans Événements
Après les cinq jours qu'a duré l'événement, un petit point sur ce salon qui, malgré la sérieuse Game Connection qui s'est tenue en parallèle pour la seconde fois, se complait dans la médiocrité.
La Paris Games Week : principal événement et salon commercial vidéo-ludique de l'Hexagone, mais aussi le lieu par excellence que voudront fuir une large part des passionnés du média. Lors de sa première édition en 2010, la Paris Games Week n'était qu'un petit salon comme tant d'autres, mais il a bien grandit au fil des années et est parvenu à acquérir un très grand public, sans toutefois acquérir la maturité lui permettant d'assumer une telle foule. Cette année, pour sa sixième édition, l'événement nous offre un constat à peu de choses près similaire aux deux éditions précédentes ...
La Paris Games Week est un salon commercial : dans son sens le plus courant, cela signifie qu'il ne s'agit pas d'une exposition ou d'un festival, mais d'un événement dans lequel certaines marques proposent à leurs futurs client de venir découvrir leurs produits. Cependant, ce dont on ne se rend pas forcément compte si l'on ne connaît pas l'événement, c'est que le concept de salon commercial est par moments poussé à la caricature à la Paris Games Week. De gros jeux triple-A, déjà habitués à s'attribuer l'essentiel de la place médiatique, occupent aussi la majorité de l'espace d'exposition, le tout pour ne proposer la plupart du temps qu'une démo d'une dizaine de minutes, sans explication et sans interaction de la part des animateurs des stands. Ces démos ont avant tout une vocation de publicité, de même que les présentations sur scène lorsque celles-ci ne sont pas remplacées par des animateurs se contentant de hurler "Le X de Xbox" ou que "Ici, c'est Playstation". Comme chaque année, les exposants ne sont aucunement là pour parler de leurs jeux en tant que créations, mais uniquement pour enchaîner les joueurs afin de vendre. Et si vous oubliez cela, il y aura bien-sûr une foule de petits commerces, proposant jeux et peluches en tous genres à des prix ne défiant aucune concurrence, pour vous le rappeler.
À côté de cela, et malgré un stand quand même bondé, Nintendo fait figure de bon élève et nous présente le genre de stand que l'on aimerait découvrir sur la totalité du salon. Des jeux divers et accessibles immédiatement, une scène devant laquelle on peut s'asseoir et qui propose autre chose aux spectateurs que de répéter le nom d'une marque ou de scander des slogans publicitaires : le stand de Nintendo est l'un des rares à proposer du jeu plutôt que l'ultra-consommation représentative du salon.
Mais voilà, même chez cet exposant, on retrouve en partie le principal défaut de la Paris Games Week : trop de monde. D'un bout à l'autre du salon, on voit une immense foule qui s'entasse, des visiteurs qui se marchent les uns sur les autres et qui patientent looooongtemps avant de pouvoir jouer. Et ce phénomène, que l'on ne retrouve pourtant pas sur les autres salons d'envergure, s'explique très bien, non pas par le nombre de visiteurs, mais par leur densité. En 2015, la densité de visiteurs par jour et par mètre carré était de 0,358 pour la gamescom et 0,259 pour l'E3, tandis qu'elle atteignait 1,023 à la Paris Games Week, soit respectivement le triple et le quadruple de ses homologues allemand et américain. Cette différence n'a pas pour origine un moins grand succès de l'événement de Cologne (qui se maintient depuis des années au-dessus du salon parisien) ou de l'E3 (qui est un événement essentiellement réservé aux professionnels) : il s'agit d'une part d'une plus bien plus grande surface d'exposition offerte par ces deux événements, et d'autre part d'un nombre d'entrées très limité. De leur côté, les organisateurs de la Paris Games Week ne limitent pas le nombre d'entrées sur le salon, à moins que des raisons de sécurité de les y obligent, en conséquence de quoi le confort n'est plus au rendez-vous depuis quelques années.
Et cela a des conséquences très concrètes sur le salon parisien : plus de personnes à croiser dans les stands ou les allées, plus de personnes devant soi lorsque l'on fait la queue pour un jeu et moins de place pour s'asseoir ou déjeuner. Le constat est en fait le même que pour les années précédentes, à une différence près : on remarque pour la première fois une légère amélioration de la circulation dans les allées. Ne nous méprenons pas : il est toujours difficile de circuler sans entrave ; mais ce n'est plus impossible, contrairement à certaines zones durant les deux précédentes éditions dans lesquelles la circulation était purement et simplement bloquée.
Pour ce qui est du reste, ça n'est pas mieux, voire pire : le temps d'attente pour accéder à un jeu AAA continue de se compter en heures pour ne bénéficier ensuite que de tout au plus un quart d'heure de jeu, une chose que l'on ne retrouverait même pas chez les plus gros parcs d'attraction. De même, on ne compte plus à l'heure de midi les personnes qui, par manque d'espaces de restauration prévus à cet effet, n'ont d'autre choix que de déjeuner assis sur les marches d'un escalier ou par-terre entre un stand bruyant et une poubelle. On supposera simplement que forcer les visiteurs à manger par-terre soit prévu comme un entrainement pour les matchs de l'ESWC qui est toujours bien loin de prévoir suffisamment de places assises pour les amateurs de e-sport.
Un salon inconfortable, qui ne voit qu'une foule de consommateurs chez ses visiteurs et dans lequel on ne pourra pas accéder à grand-chose d'intéressant. Et pourtant, ce salon parvient à battre chaque année ses records d'affluence, avec cette année le chiffre annoncé de 307 000 visiteurs (un chiffre que l'on pourra toutefois remettre en question, tant le SELL semble avoir l'habitude de gonfler ses chiffres de manière indécente, cf. Les chiffres de la PGW 2014 étaient largement sur-estimés). Mais alors, comment expliquer le succès grandissant que le salon connaît ?
En fait, pour juger un salon (de même que n'importe quel autre événement, émission, média, etc), il est souvent assez efficace d'observer le public qu'il attire. "D’une manière générale, les visiteurs semblent bien plus intéressés par les T-shirt gratuits et les YouTubeurs célèbres que par les créateurs de jeux", explique un journaliste du Monde en parlant du "mur d’indifférence" séparant "joueurs et créateurs de jeux vidéo", pour reprendre le titre de son article. Si l'observation est des plus justes, ce dont l'auteur de l'article ne semble pas prendre conscience en utilisant cette expression, c'est que la Paris Games Week ne rassemble pas "les joueurs" dans le sens généraliste du terme, mais une catégorie bien précise d'entre eux. Cet événement rassemble essentiellement les fans d'une franchise ou d'une console, et éventuellement leurs parents quand ils sont très jeunes. Il ne rassemble pas les casual gamers, qui de toute manière ne se déplaceraient probablement pas pour un événement, ni les passionnés de Jeu vidéo, qui ne trouveront pas grand-chose à se mettre sous la dent.
Cette population précise que le salon parisien attire, ce sont ceux qui seront prêt à courir entre les allées pour pouvoir jouer les premiers à une franchise légendaire pour eux, ceux qui toléreront de patienter des heures durant pour jouer 10 ou 15 minutes à un jeu qui sera disponible dans le commerce quelques jours plus tard, ceux qui hurleront devant les scènes pour attirer l'attention des animateurs afin d'obtenir quelques goodies et de satisfaire leur besoin de reconnaissance. Il ne s'agit donc pas de personnes qui viennent pour le média, mais essentiellement de personnes qui viennent pour rencontrer leurs idoles, qu'elles soient des stars ou de simples marques. En conséquence, la Paris Games Week n'est pas un salon de jeux vidéo : c'est au mieux une convention de fans, au pire une immense réunion d'adolescents masculins.
Finalement, ceci explique aussi bien le manque de qualité inhérent à la Paris Games Week que son succès en apparence paradoxal. Obtenir un aussi grand succès n'est pas bien difficile lorsque l'on cible ce genre de population : il est inutile pour les organisateurs de chercher à satisfaire leurs visiteurs, puisque ce sont au contraire ces visiteurs qui feront ce qu'ils pourront pour les satisfaire.
Malgré tout, la Paris Games Week n'est pas à jeter dans son intégralité : en plus du stand Nintendo, le salon propose quelques petites choses dignes d'intérêt, et ce malgré la disparition de la petite salle de conférences. On retrouve ainsi une fois de plus le stand Jeux Made in France, regroupant plusieurs productions indépendantes issues de l'Hexagone, de même que l'habituelle bibliothèque que l'on a toutefois connue plus fournie. Un peu dans le même principe que le stand Nintendo, d'autres stands présentaient quelques accessoires originaux ou productions disponibles aux joueurs avec très peu d'attente : des stands dont l'intérêt leur a valu d'être relégués dans l'obscurité du fond du hall d'exposition. Une bien maigre consolation ...
Pour finir, notons simplement qu'il semblerait que les organisateurs de la Paris Games Week, face aux critiques que le salon continue de recevoir au fil des ans, aient enfin pris la peine de se remettre en question. Cette année, ils prennent en effet l'initiative de lancer un questionnaire de satisfaction afin de "satisfaire au mieux vos attentes" : un questionnaire qui, en plus du mérite d'exister, semble construit de manière satisfaisante (en tout cas mieux que la plupart des pseudo-enquêtes de marketeux). Peut-être ces résultats permettront l'avènement d'un miracle pour la prochaine édition, en supposant bien-sûr qu'ils soient correctement interprétés et que le SELL ait la volonté d'améliorer son salon ...