Critique
Un fourre-tout en attendant la next-gen
Risen : depuis sa création, la franchise nous propose de découvrir l'évolution d'un univers dans lequel les dieux ont quitté la surface de la terre, libérant ainsi les humains de l'oppression qu'ils subissaient de la part de leurs maîtres divins. Mais cette liberté s'accompagne aussi de la perte de la protection que les dieux leur offraient et leur disparition a entraîné l'apparition d'une menace bien plus grande : les Titans et leurs Seigneurs. Ainsi, Risen nous invite dans chaque nouvel opus à découvrir un peu plus le combat des humains contre ces Titans. Avec Titan Lords, c'est un nouveau protagoniste que l'on incarne : un nouveau héros sans nom qui n'est d'autre que le frère de Patty, seul personnage commun aux trois opus. Le scénario de Risen 3 tourne ainsi autour de ce nouveau héros qui, s'étant fait voler son âme par une créature des ombres, devra tenter de la récupérer tout en combattant une nouvelle menace contre l'humanité.
Une redite …
Jusque-là, ce troisième Risen semble bien nous proposer une nouvelle facette de l'univers de la franchise. Un nouveau scénario, sur une nouvelle partie du monde : c'est l'effort qui avait été fourni pour Risen 2 et auquel on avait pendant plusieurs mois cru pour ce Risen 3. Pourtant, si durant toute la campagne marketing, plusieurs annonces ont été faites afin de mettre en avant ce que ce nouvel opus avait d'original, certaines d'entre elles ont été purement et simplement mensongères. À titre d'exemple parmi ces annonces, les développeurs nous avaient explicitement promis de revenir sur un open-world, avec un jeu tout entier qui prendrait place sur une seule île. Pourtant, on découvre vite que la carte est une fois de plus décomposée en plusieurs îles séparées d'une mer de temps de chargement. Pire : si cette manière de fonctionner rappelle Risen 2, c'est aussi parce que la carte est dans son ensemble la copie conforme de celle du précédent titre. Car la première immense déception que l'on peut mettre en avant est le fait que Titan Lords n'est rien de plus qu'une copie des deux premiers opus.
La carte de Risen 2 a donc été presque entièrement ré-utilisée pour ce nouveau titre. Tacarigua, Antigua : on retrouve notamment ces deux mêmes îles, qui conservent chacune exactement les mêmes cartes. La copie en est même au point que les textures graphiques de Risen 2 semblent avoir été ré-utilisées pour les îles de ce nouveau titre. Les joueurs de Risen 2 ne risquent pas de se sentir dépaysés, à ceci près que certaines zones ont été re-modélisées afin de correspondre au scénario de ce nouveau jeu dans lequel le monde des morts tente de conquérir celui des vivants. Ces évolutions de la carte intégrées au scénario semblent s'adresser en premier lieu aux joueurs ayant déjà connu la franchise, leur permettant de découvrir l'impact de cette nouvelle menace sur un monde qu'ils connaissaient déjà. Et le fait que ce jeu s'adresse à ces joueurs en particulier se confirme vite si l'on prête attention au scénario. Suite directe des événements de Risen 2, Risen 3 n'offre au joueur aucune explication sur la situation, nécessitant de déjà connaître la franchise pour avoir une chance de comprendre ce qu'il se passe. Le jeu se targue également de trop nombreux clins d'œil faisant références aux précédents opus. Enfin, les développeurs n'ont pas même fait l'effort d'imaginer de nouveaux personnages, puisque l'intégralité des personnages principaux sont eux-aussi tirés de ces œuvres. Difficile de comprendre quoi que ce soit sans avoir déjà joué aux deux premiers jeux : les nouveaux joueurs ne semblent pas les bienvenus dans cette "nouvelle" création.
Côté ambiance, c'est très exactement la même recette que celle de Risen 2 qui est utilisée. On y retrouve un mélange entre une ambiance d'exploration, de chasse au trésor et de piraterie, au travers de grottes mystérieuses, de pillage de ruines, de trésors enterrés et de secrets à découvrir aux quatre coins de la carte. Finalement, c'est bien l'ambiance du 2 que l'on retrouve et qui a simplement été améliorée de quelques détails : la nage est à présent possible, dans une mer turquoise, disposant de jolis effets de vague, et … c'est tout. La seule nouvelle ambiance qu'apporte l'opus dans la franchise sera à l'intérieur des quelques zones géographiques conquises par les ombres et qui ne sont plus peuplées que par des guerriers funestes et des arbres morts. Ces zones se contentent toutefois de jouer sur un mélange très simple que sont les teintes en noir et blanc et l'absence de musique générant l'impression d'un monde pris dans un sommeil définitif.
Heureusement, cette copie n'a pas oublié certains des bons points du deuxième titre de la franchise. On retrouve la magie vaudou, avec l'idée d'utiliser la possession d'autres personnes pour arriver à ses fins, la culture des Kilas et des gnomes -pourtant nettement moins présente et absolument pas approfondie-, ou encore l'utilisation d'un singe pour se faufiler jusqu'à des endroits inaccessibles. Ces bons points restent des bons points, mais n'ajoutent pas grand-chose au titre du fait qu'ils n'ont rien de nouveau car déjà présent dans Risen 2.
Finalement, le titre semble n'être rien de plus que son prédécesseur, corrigé de quelques défauts, mais dépourvu de son originalité. Parmi ces quelques défauts corrigés, on peut compter certaines choses qui manquaient à ce second Risen. Mais même s'il s'agit là d'un effort qui aurait pu en faire un jeu un tant soit peu intéressant, cet effort n'a eu lieu que dans les idées mais pas dans la conception. Le jeu a été fait à la va-vite et cela se ressent du début à la fin.
… bâclée …
Le prédécesseur de Risen 3 avait opté pour un univers rappelant celui des pirates. Mais s'il y a une chose qui manquait à ce mélange de piraterie et de magie, ce sont les combats navals et les créatures marines alors peu représentés. Puisqu'ils ont choisi de créer un second Risen 2, les développeurs de ce troisième opus ont bien-sûr essayé de combler le vide en proposant dans le titre quelques missions marines. Ces missions sont de deux sortes : d'un côté les abordages et de l'autre l'affrontement de monstres marins.
Cet ajout est clairement une bonne idée, car venant compléter l'univers du jeu et lui donnant légèrement plus de profondeur. Mais côté scénario, ce n'est pas encore ça. Car ajouter un élément de gameplay ne suffit pas : il faut encore qu'il soit justifié et correctement intégré aux autres éléments du jeu. Et c'est bien cela qui manque à ces missions : en plus d'être anecdotiques, aucune explication n'est fournie sur la présence des monstres et le fait qu'ils s'attaquent au navire. Le manque de justification de la présence de ces monstres marins montre bien le fait qu'ils ne soient présents que pour ajouter quelque chose au gameplay et lui donner une apparence plus complexe. Pour l'apparence ça marche, mais cela ne permet pas au système de gameplay de fonctionner sans accroc, comme on peut le constater dans la pratique.
Car, dans une situation de gameplay atypique, la première étape est toujours de permettre au joueur de comprendre ce qu'il doit faire et comment le faire. Le jeu nous place malheureusement au pilotage d'un navire sans nous proposer le moindre tutoriel pour comprendre ses commandes qui sont de plus contre-intuitives. D'autre part, on constate une très mauvaise mise en place du déroulement de la chasse au monstre. Le navire que l'on pilote est lent et il est nécessaire de contourner de larges îles pour pouvoir se rapprocher de la créature qui replonge sous la surface très régulièrement. Finalement, on passe généralement plus de temps à chercher ce monstre qu'à le combattre. Et comme si cela ne suffisait pas, le réglage de la difficulté est lui aussi bâclé. D'un côté, les abordages se montrent extrêmement faciles. De l'autre, ces chasses offrent au monstre, comme au navire de puissantes attaques et une très faible défense, demandant au joueur une très grande concentration tout en ne durant que très peu de temps. Ces missions sont en fait plus fatigantes qu'amusantes. Et si l'on ajoute à cela le déroulement de ces missions qui est à chaque fois strictement identique, les missions marines perdent tout leur intérêt et ressemblent plus à une corvée que l'on aurait préféré esquiver.
Donc, la principale amélioration que propose Risen 3 par rapport à son prédécesseur est finalement une série de moments désagréables qu'il aurait été préférable d'éviter. Et ce n'est malheureusement pas fini avec la conception inconfortable du titre. La difficulté mal réglée que l'on vient d'évoquer pour les missions marines se retrouve en effet dans tout le titre, mais pas pour la même raison. Le problème est que la difficulté à laquelle le joueur est confronté sur toute la carte reste identique du début à la fin du jeu, alors que le protagoniste gagne en puissance au fur et à mesure de son expérience. Le jeu se montre donc un peu difficile au début et beaucoup trop facile à la fin. Certes, la difficulté peut être réglée dans le menu des options, mais pas suffisamment pour faire complètement disparaître le problème. D'autre part, il ne devrait pas être nécessaire au joueur de faire évoluer lui-même cette difficulté si l'évolution de cette dernière au fil du scénario avait été gérée correctement.
Déjà que le combat contre les créatures est trop facile, il est également désagréable et répétitif. Les mouvements de combat sont très lents et dès que l'on croise un groupe de créatures, celles-ci se jettent toutes à la fois sur le protagoniste et non sur les PNJ qui l'accompagnent. Ce n'est qu'après que ces derniers se soient (enfin) décidés à porter quelques coups que l'une (et une seule) des créatures commence à détourner son attention. Des mouvements lents et une vague d'ennemis qui arrivent en même temps : la recette est simple et bien connue et offre un combat dans lequel on frappe une fois de temps en temps et où l'on passe le reste du temps à esquiver. Les combats sont longs et inconfortables et, les créatures combattant toutes de la même manière et n'offrant donc aucune variation d'un combat à l'autre, c'est une nouvelle part du gameplay qui ne ressemble plus à une corvée qu'à un élément de jeu vidéo.
Cela est d'autant plus le cas que la caméra est un calvaire à maîtriser. Ce problème déjà présent et repéré dans les deux premiers opus se retrouve pour la troisième fois ici : la caméra ne se replace pas automatiquement lors des combats, obligeant régulièrement le joueur à combattre un adversaire qu'il ne voit pas. C'est dans le même ordre d'idée que cette caméra se glissera régulièrement derrière la végétation cachant complètement la vue de la scène aussi bien lors de ces combats que durant les simples conversations.
À cela s'ajoute encore tout un ensemble d'éléments créés à la va-vite. Nous citerons notamment la mini-carte du HUD dont l'immobilité la rend inutilisable pour se repérer, les navires utilisant tous la même architecture et se ressemblant fortement, les graphismes dont la qualité devient inacceptable sur certaines parois verticales, ou encore le contraste et l'intensité lumineuse désagréables et difficilement réglables même si ces réglages sont, comme la difficulté, disponibles dans le menu des options.
Finalement, le jeu est bâti sur un ensemble d'éléments peu travaillés individuellement, mal réglés les uns par rapport aux autres et pas toujours intégré au reste du jeu qui de toute manière ne génèrera pas une grande motivation pour le joueur.
… et insipide
Quand on a un mauvais scénario, autant le montrer dès le début et commencer le jeu en fanfare. C'est ainsi que Titan Lords nous propose un démarrage particulièrement abrupt. Le jeu commence avec une cinématique, un premier combat et une exploration, durant lesquels on a aucune idée de ce qu'il se passe, même si l'on connaît déjà bien la franchise. Toute la partie correspondant au didacticiel commence ainsi sans rien nous expliquer de la situation du monde face aux titans et obligeant le joueur à prendre le train en marche. Le jeu ne laisse pas le temps au joueur de se mettre dans la peau du protagoniste et va très rapidement passer à l'excès inverse. Une fois que le joueur a enfin pu comprendre ce qu'il se passait, il n'aura plus jamais à se creuser la tête du fait d'un scénario lent et prévisible. L'objectif du protagoniste sera de récupérer son âme avec l'aide de puissants mages et combattre les ombres qui tentent d'envahir la surface de la terre. Ces objectifs sont clairs dès le début, ne varieront pas d'un pouce tout au long du jeu et le chemin pour les atteindre ne passe que par un long ensemble de quêtes qui semblent n'avoir été créées que pour allonger artificiellement la durée de vie du titre.
C'est donc un scénario lent, très lent, que l'on découvre et qui est complété d'un ensemble de nombreuses quêtes secondaires d'un intérêt discutable.
Tout au long du scénario, on restera sur un schéma simple de quêtes, qui seront systématiquement du type "tuez tel monstre/récupérez tel objet/parlez à telle personne pour continuer". Du début à la fin, le level-design est linéaire, attendu et fastidieux. Le suspense est inexistant et les surprises rarissimes. Les quêtes secondaires, quant à elles sont expliquées par des indications parfois peu claires. Et, ne sachant pas toujours quoi faire pour en venir à bout, on se retrouve très facilement à avancer un peu au hasard dans ces quêtes simplement en poursuivant la quête principale.
Heureusement, ce scénario plat est complété de quelques bossfights dignes d'intérêt, mais trop faciles et surtout beaucoup trop rapides. En pratique, ils représentent juste le temps d'un micro-réveil pour le joueur. Ces bossfights relèvent donc à peine l'intérêt, mais ils le relèvent déjà plus que les cinématiques et scènes tragiques du jeu, réalisées de manière catastrophique. Trop rapides, avec un mauvais jeu d'acteur et un bug empêchant régulièrement la diffusion de musique, elles parviennent l'exploit d'endormir plus que celles de Risen 2.
Mais si le scénario se montre totalement inintéressant, peut-être le côté exploration du titre pourrait-il remonter le niveau ? La réponse est une fois encore non. La carte est remplie d'un bout à l'autre d'un grand très nombre de créatures qui, comme nous l'avons vu, sont inintéressantes à combattre. La première découverte d'un lieu consistera donc à nettoyer la zone, puisque l'on ne peut pas faire plus de quelques mètres sans se faire attaquer, et donc à subir une série de combats incessants durant de longues minutes. Une fois la zone nettoyée, on arrive une fois encore à l'excès inverse : le renouvellement des créatures étant anecdotique, les différentes zones restent complètement vides durant la quasi-totalité du jeu. Comme plusieurs autres éléments du jeu, l'exploration appartient donc plus au domaine de la corvée.
Pour finir, le jeu dans son ensemble est doté d'une bande originale particulièrement calme. Les personnages sont peu expressifs et leurs psychologies sont d'une simplicité presque caricaturale. Tout cela s'ajoute à la difficulté décidément trop faible du titre nous offre un jeu qui n'est pas prenant, lent, sans évolution de la situation, au scénario plat et dont on peine à en voir le bout.
Finalement, tous les éléments des deux premiers Risen semblent avoir été placés en vrac dans le titre, simplement associés à deux ou trois nouvelles idées à peine testées. On retrouve un univers qui nous a déjà été présenté, les quêtes sans intérêt se multiplient, le scénario ne donne pas envie et la réalisation est techniquement mauvaise. Le titre ne se constitue qu'en un ensemble d'éléments associés les uns aux autres à la dernière minute, en oubliant bien-sûr d'ajouter des liens entre ces idées et d'enlever les à-coups qui gênent l'immersion du joueur. Risen 3 n'est pas seulement un jeu décevant : c'est avant tout un jeu inconfortable qui donne envie de passer à autre chose.
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Les + :
- Création d'une ambiance en adéquation avec la nouvelle menace présente dans le titre
- Conservation de quelques bons points de Risen 2
- Les missions marines : une tentative qui aurait pu être intéressante, si mise en place correctement
Les - :
- Scénario lent, redondant, trop long, sans suspense ni surprise
- L'ambiance est en majorité un copier-coller de celle de Risen 2
- Jeu calme et mou dans son ensemble
- Les combats ressemblent à une corvée
- Les missions marines ressemblent à une corvée
- L'exploration ressemble à une corvée
- La majorité des personnages sont repris des précédents titres
- Les cultures des gnomes et des Kilas ne sont pas explorées plus en profondeur que dans Risen 2
- Mouvements de combat lents
- La réalisation ridicule des quelques scènes tragiques
- Carte quasi-identique à celle de Risen 2
- Difficulté extrêmement mal dosée
- Très mauvais jeu d'acteur
- Sur certains points, le jeu est différent de ce qui avait été annoncé
- La caméra ne se replace pas automatiquement
- Difficile à comprendre si l'on ne connaît pas déjà la franchise
- Graphismes, gestion des contrastes désagréables à l'œil
- Pas de version française
- Les navires sont tous similaires